vendredi 7 mars 2008

Sexygénaires toujours verts

« Plus d'exaltation à 60 ans qu'à 30 ! »
Les baby-boomers font sauter les tabous. Leur mot d'ordre : il n'y a pas d'âge pour le plaisir


Patricia, 60 ans, ne se ruine plus en crèmes antirides. Depuis qu'elle s'accorde des «escapades», elle assure que ses traits sont moins creusés, comme s'ils avaient été liftés. Remariée depuis quinze ans, cette avocate s'ennuyait dans son couple; elle a donc pris un amant, un confrère du barreau. «Cet homme, marié lui aussi, m'a sauvé d'un second divorce, explique-t-elle. Nous prenons du plaisir ensemble. Puis chacun rentre chez soi. Mais c'est pour lui que le matin je me fais belle.» 60 ans, l'âge de toutes les folies ? Nathalie les fêtera dans un an. Elle, cela fait longtemps qu'elle a renoncé à vivre en couple. «Je refuse de partager les mauvais moments. Pour moi, la sexualité est une récréation, dit cette cadre cultivée qui est une des plus anciennes abonnées du site de rencontres Meetic. J'y surfe quand j'ai besoin d'air. Je ne flashe que sur des bac + 5. On dîne au restaurant, parfois on baise. Et puis au revoir.» L'amour n'a pas d'âge. Un vieil adage revendiqué, affiché plus que jamais. Voici Marianne, 68 ans. Il y a trois ans, lors d'une méharée dans le Sud marocain, elle a rencontré son amoureux des sables. «Il est venu préparer le thé un soir sous ma tente, raconte-t-elle. Et, très spontanément, je lui ai ouvert mes bras.» Désormais, trois ou quatre fois par an, elle va rejoindre son galant pour dix jours de balade dans le désert. «Nous nous parlons peu, poursuit Marianne, nous faisons beaucoup l'amour. Je sais qu'il a une épouse. Je n'attends de lui que ce qu'il peut m'offrir : douceur et volupté.» Au même tarif qu'une prestation de guide. L'amour - ou le sexe - à tout prix ? Elle assume. Caricaturale et jusqu'au-boutiste dans sa manière d'incarner ces nouveaux «sexygénaires». En meilleure forme physique que leurs aïeux, encore dotés d'une bonne retraite, courtisés par les clubs de vacances ou de rencontres, les chirurgiens esthétiques ou les vendeurs de Viagra, décomplexés par quarante ans de discours sur la libération sexuelle.
C'est chez les femmes que cette miru-révolution a les effets les plus spectaculaires. Chacune à leur façon, Marianne, Patricia et Nathalie assouvissent leurs désirs sans se soucier du qu'en-dira-t-on. «Ces sexagénaires représentent la première génération de femmes pour qui le sexe a été et reste un plaisir, explique Jeanne Thiriet, directrice de la rédaction de Pleine Vie Journal pour jeunes seniors. A cet âge-là, la sexualité reprend de l'importance car les couples n'ont plus d'enfants à la maison. Comme les divorcés, qui peuvent alors plus aisément recommencer une vie amoureuse.» Problème pour ces derniers : trouver l'âme sœur. «Sur ce plan, dit la psychanalyste Edith Cannac, nous sommes loin d'être égaux. Ces femmes ont beau être souvent séduisantes et en forme, elles ont en face d'elles des partenaires potentiels de même âge qui en général ne les désirent pas, parce qu'ils recherchent bien plus jeunes qu'eux.» Le succès des sites de rencontres facilite la tâche de celles, de plus en plus nombreuses et âgées, qui surmontent leur timidité en lançant un SOS sur la Toile. Des portails, tels Parship, ouvert en France en 2005, ou encore Ulteem, créé par Meetic, se sont spécialises dans la quête d'une relation durable. «Selon nos statistiques, dit Sabrina Philippe, psychologue pour Parship, les hommes de 60 ans cherchent une compagne d'au minimum sept ans plus jeune, tout en ne répondant souvent qu'aux annonces de trentenaires. Les femmes de même âge affirment toutes qu'elles paraissent dix ans de moins. Mais, curieusement, la plupart n'osent briguer un partenaire qui aurait plus d'un an de moins qu'elles. Elles parlent en revanche très librement de sexualité et insistent sur le fait qu'elles souhaitent un homme encore actif sexuellement.» Un compagnon, mais aussi un amant. «On sent que, de ce côté, il y a une certaine forme d'urgence, dit Pierre, 62 ans. C'est assez effrayant pour les hommes de ma génération.»
Et cela d'autant que tous ne sont pas restés verts. Le Viagra a beau faire des miracles, il ne remplace pas la vigueur de ces «tendrons» vers lesquels se tournent certaines -transgressant ainsi un des derniers tabous -, pour être sûres de grimper au septième ciel. «Il m'est arrivé de jouer au Pygmalion avec des moins de 20 ans, confie la comédienne Mâcha Méril, 67 ans (1). Mais, à mon sens, la qualité du plaisir est plus grande entre personnes de 50 ou 60 ans. Lacté sexuel s'élabore davantage. On le met en scène parce qu'on a parfois besoin de quelques artifices : tel vin, tel décor. Ce qui donne du bonheur, c'est de perdre la tête. Or l'exaltation est bien plus métaphysique à 60 ans qu'à 30 !» Reste à trouver un de ces oiseaux rares qui n'aspire pas à rajeunir auprès de ces nouvelles jouvencelles.

(1)Un jour, je suis morte», par Macha Méril, Albin Michel.

Sylvie Véran
Le Nouvel Observateur
Nº2261, SEMAINE DU JEUDI 06 Mars 2008

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