mercredi 9 avril 2008

Gesticulation olympique

Le Figaro 07/04/2008
Crédits photo : AFP

L'éditorial de Pierre Rousselin du 7 avril.

Autant la défense des Tibétains est une noble cause, autant la gesticulation à laquelle nous assistons à propos de la tenue des Jeux olympiques à Pékin est exagérée.
Jamais le monde n'a autant entendu parler du Tibet, des conditions de vie dans cette province éloignée de l'Himalaya et du combat du dalaï-lama pour le respect des droits de l'homme. Il faut s'en féliciter.
C'est le propre des Jeux olympiques que de mettre le pays où ils se tiennent sous le feu des projecteurs. Si les autorités chinoises ont tant voulu organiser ces Jeux, c'est parce qu'elles comptaient en tirer un bénéfice politique, en projetant l'image d'un pays moderne, ouvert sur l'extérieur et aussi capable que les plus puissants d'organiser, au nom de tous, la grande fête du sport.
En se faisant les gardiens de l'esprit olympique, pendant la durée des Jeux, les autorités chinoises ont pris des engagements. Elles doivent les respecter.
Leur comportement face à la rébellion tibétaine n'est pas conforme à ces engagements, pas plus que l'arrestation d'un contestataire aussi pacifique que Hu Jia.
Si la tradition veut que la flamme olympique parcoure le monde avant d'être installée sur le site des Jeux, c'est d'abord pour montrer l'universalité des principes de liberté portés par l'olympisme et, ensuite, pour que tous puissent manifester leur adhésion à ces valeurs.
Dans nos démocraties, il est légitime que chacun exprime son opinion. Que certains profitent du passage de la flamme pour dénoncer la répression, les arrestations arbitraires et le manque de liberté en Chine n'est que tout naturel. Mais à une condition : que cela se passe dans l'ordre et dans le respect de chacun, et, en particulier, de ces valeurs supérieures qu'incarne la flamme olympique.
Il en est de même des Jeux olympiques. Exiger leur boycott ne rime à rien. Surtout lorsque, comme Ségolène Royal, l'on a vanté les mérites de la justice chinoise et cru bon de se faire prendre en photo sur la muraille de Chine à des fins de propagande électorale.
Boycotter les Jeux olympiques serait un affront pour un milliard trois cents millions de Chinois. Ce serait, surtout, se priver d'une occasion en or pour faire avancer les libertés. Rien que la présence à Pékin de trente mille journalistes étrangers ne peut qu'aider ce pays à s'ouvrir sur le monde.
Il faut, dans ce débat, retrouver un peu de mesure et de dignité. La surenchère et la gesticulation politique à usage interne doivent cesser.
Les ONG spécialisées dans la défense des droits de l'homme sont dans leur rôle pour mener la campagne en faveur du Tibet. Elles ne sont pas là pour dénaturer la cause qui est la leur en la ramenant à une bataille franco-française dans le seul but de piéger le gouvernement.
Ce qui vaut pour les Jeux olympiques vaut pour la cérémonie d'ouverture. En toute conscience, le président de la République devra y faire entendre sa voix. Puisque ce ne sera pas seulement celle de notre pays, mais aussi celle de l'Europe, personne n'est en droit de lui dicter sa conduite.

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