samedi 5 avril 2008

Pékin et l'olympisme

Edito du Monde

LE MONDE 05.04.08
Les autorités chinoises ne sont pas contentes. Elles appellent les Parisiens à faire bon accueil, lundi 7 avril, à la flamme olympique. Elles redoutent les manifestations dans la capitale française. Sans oser le dire tout haut, elles n'apprécient que modérément l'initiative du maire de Paris. Bertrand Delanoë a décidé de faire déployer sur la façade de l'Hôtel de Ville une banderole osant proclamer l'attachement de la capitale aux droits de l'homme " partout dans le monde ". M. Delanoë a expliqué qu'il s'agissait d'un " message amical à tous les peuples, et notamment au peuple tibétain ".
Les autorités chinoises ne sont pas au bout de leur mécontentement. Le parcours de la flamme olympique, en Europe et ailleurs, va ressembler à celui d'une manifestation de protestation contre les violations des droits de l'homme en Chine. Il en aurait été ainsi même sans les événements du Tibet. Mais la révolte des Tibétains contre le joug de Pékin a renforcé la mobilisation : elle légitime un peu plus, s'il en était besoin, le combat de ceux qui osent réclamer un peu de démocratie en Chine.
L'itinéraire de la flamme, c'est autant de points de ralliement contre la répression à huis clos qui sévit au Tibet – avec son cortège d'arrestations arbitraires, tortures et tabassages –, et c'est de bonne guerre, est-t-on tenté de dire.
Car le gouvernement chinois ne peut feindre la surprise. En présentant la candidature de Pékin pour héberger les JO 2008, il sollicitait à bon droit une manière de reconnaissance pour les immenses progrès accomplis par la Chine ces dernières années. Mais il savait qu'il s'exposait alors à une attention générale, et donc médiatique, renouvelée. On aurait pu penser qu'il aurait à coeur de donner des gages de bonne volonté démocratique, de reprendre le dialogue avec le dalaï-lama, de limiter la répression des dissidents, particulièrement de ceux qui se bornent à réclamer du gouvernement qu'il respecte la loi – sa loi. On aurait pu imaginer qu'il y avait dans le contrat passé avec le Comité international olympique (CIO) une sorte de clause implicite aux termes de laquelle les gouvernants de Pékin s'engageaient à ne pas s'en tenir au seul grand bond en avant économique.
Il n'en n'est rien. La perspective des JO accentue la répression de la moindre esquisse de contestation. Le gouvernement chinois appelait, vendredi 4 avril au soir, Paris à respecter l'esprit olympique. Mais, justement, que sont les valeurs de l'olympisme sinon la déclinaison d'un humanisme attaché au plus élémentaire respect de la personne humaine ? Ce n'est pas M. Delanoë qui viole cet esprit-là. Ce sont les dirigeants chinois. Quand ils répriment brutalement les manifestations, quand ils embastillent un contestataire pacifique, légaliste, comme Hu Jia, condamné, le 3 avril, à trois ans et demi de prison, quand ils " ferment " le Tibet à tout observateur, ils portent autant de coups à l'esprit olympique.

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