lundi 12 mai 2008

L'Asie, terre de prospection pour les grands clubs anglais


Reportage

LE MONDE 09.05.08 14h42
BANGKOK (THAÏLANDE) ENVOYÉ SPÉCIAL

A côté du portail d'entrée du centre, à Ban Bung, à près d'une heure de route de Bangkok, le blason d'Arsenal est immanquable. Parrainée par le club londonien, l'académie Jean-Marc Guillou a ouvert ses portes en mai 2005, au beau milieu de la campagne thaïlandaise. Depuis, d'autres centres ont vu le jour au Laos, au Vietnam, au Cambodge.
Après l'Afrique, le football européen lorgne désormais vers l'Asie pour trouver de nouveaux talents. De nouveaux marchés, aussi. Longtemps terra incognita du ballon rond, ou presque, le continent s'affirme aujourd'hui comme une terre de prospection pour les clubs européens, britanniques notamment. La Premier League, le championnat anglais, passionne ici le public.

"La présence d'Arsenal à nos côtés est un garant de sérieux et de qualité", explique Robert Procureur, directeur du centre de Ban Bung. L'apport financier du club londonien couvre un quart des coûts annuels, d'environ 250 000 euros. Le reste est assuré par des sponsors, à hauteur de 30 %, et des partenaires privés (50 %). Au terme de leur formation, Arsenal aura la possibilité de recruter deux joueurs.

Si un Thaïlandais porte un jour le maillot des Gunners, le retour marketing sera énorme : à la hauteur de ce pays de 60 millions d'habitants ! Issus pour la plupart de familles modestes, les apprentis footballeurs asiatiques, qui sont aussi hébergés et scolarisés au centre, ne versent aucune cotisation à l'académie.

LA MÉTHODE DE FORMATION
Le retour sur investissement se fait lors de la signature du premier contrat professionnel - après sept ans de formation -, puis par les indemnités versées au club formateur lors de chaque transfert (fixées à 5 % par la FIFA, la fédération internationale). "On suppose que deux ou trois joueurs de chaque promotion devraient rejoindre un club du gotha européen, prédit Robert Procureur. Pour atteindre l'équilibre financier, il faudrait aussi que quatre ou cinq d'entre eux intègrent un championnat de seconde classe : en Belgique, aux Pays-Bas ou en Autriche... Ce que l'on peut en revanche quasiment prévoir, c'est qu'une grande partie de l'équipe nationale thaïlandaise des années 2015 aura été formée par notre académie."

La méthode de formation de Jean-Marc Guillou, ancien international français des années 1970, a déjà fait ses preuves, notamment en Côte d'Ivoire. A l'académie de Sol Béni, à quelques encablures d'Abidjan, ont été formés 70 % environ des joueurs qui évoluent aujourd'hui en sélection ivoirienne. Emmanuel Eboué et Kolo Touré, les deux joueurs ivoiriens d'Arsenal, en sont originaires.

La Thaïlande, encore inconnue sur la planète football, n'en est pas encore là. Répartie en deux promotions, la vingtaine de joueurs du centre de Ban Bung a été sélectionnée après une grande campagne de détection à travers tout le pays. Mais le potentiel est-il là ?

"Le football est universel, répond Eric Decroix, responsable technique du centre et ancien joueur de Nantes de 1994 à 1999. Nous misons sur la technique du jeu plutôt que sur la qualité physique. Avant la création de cette académie, il n'y avait aucune réelle structure de formation en Thaïlande. En plus du projet sportif, il y a donc un vrai projet social." Jean-Marc Guillou, de son côté, assure : "Chaque académie respecte une philosophie qui est de croire à un certain football, mais aussi de propager auprès des jeunes ce qu'il y a de plus noble dans ce sport."

Avec Hidetoshi Nakata à Bolton en 2006 et aujourd'hui les Sud-Coréens Young-Pyo Lee à Tottenham ou Park-Ji Sung à Manchester United, des joueurs asiatiques ont déjà foulé les terrains anglais, générant des ventes faramineuses de produits dérivés dans leurs pays. Il se dit que chaque club anglais rêve d'y ouvrir un centre.

Pierre Lepidi
Article paru dans l'édition du 10.05.08.

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