dimanche 4 mai 2008

Les chasseurs de têtes sont devenus indispensables aux grandes entreprises

AFP/THOMAS COEX
Les cabinets spécialisés dans le recrutement de dirigeants et cadres de très haut niveau
connaîssent une croissance soutenue en Europe et en Asie.


LE MONDE 03.05.08


Les chasseurs de têtes ont le sourire. Ces cabinets spécialisés dans le recrutement de dirigeants ou de cadres de très haut niveau observent, certes, un ralentissement de leur activité aux Etats-Unis depuis le début de l'année, après un cru 2007 excellent. Mais leur croissance reste soutenue en Europe et en Asie, où ils possèdent des bureaux alors qu'ils recrutent aux quatre coins de la planète pour une clientèle composée essentiellement d'entreprises multinationales.
Heidrick & Struggles annonçait ainsi, mardi 29 avril, un chiffre d'affaires trimestriel en progression de 7 % par rapport au premier trimestre 2007. En 2007, le chiffre d'affaires de ce cabinet s'est élevé à 619,7 millions de dollars (409 millions d'euros) en hausse de près de 30 % sur 2006.
Korn Ferry, autre grand de la profession, a affiché, en 2007, une progression de 25 %. Russel & Reynolds, très avare en chiffres, avoue néanmoins, à 500 millions de dollars (330 millions d'euros) environ, une croissance supérieure à 20 %.
Prudents, les associés d'Heidrick & Struggles prévoient une croissance de 5 % à 8 % pour 2008. Mais, en France, "nous observons, pour l'instant, une croissance très supérieure à 25 %", assure Pascal Gibert, associé gérant du bureau parisien de ce cabinet international. La crise financière américaine ne semble donc pas porter le moindre préjudice à cette profession.
Car la guerre des talents semble particulièrement virulente au sommet des hiérarchies. Non pas pour des raisons démographiques. Le départ à la retraite des baby-boomers ne serait pas encore à l'origine de cet appel d'air. Mais parce que les entreprises trouvent moins souvent, en interne, des candidats aptes à succéder aux dirigeants. Pour les chasseurs de têtes, les directions des ressources humaines (DRH) des sociétés n'ont pas su anticiper les besoins et "mettre les bonnes personnes au bon moment" pour accompagner le développement et la stratégie des sociétés. "Depuis 1994, les entreprises sont devenues plus court-termistes, plus opportunistes, et n'ont pas fait grandir les générations de demain", assure M. Gibert. Les DRH se seraient plus focalisés sur les négociations sociales, "les aspects durs du métier", estime M. Petibon. Ils ont moins développé "les aspects soft, qui consistent à attirer, développer, retenir les talents", poursuit-il.
Les nouveaux modes d'organisation des multinationales sont aussi en cause. "Il y a vingt ans, une entreprise du CAC 40 comptait des effectifs de 50 000 personnes environ, en moyenne. Ce chiffre a plus que doublé. Ces groupes ont donc dû rationaliser leur organisation. Certaines fonctions comme la finance ou l'informatique ont été centralisées. En conséquence, les dirigeants d'unités opérationnelles, ou même de filiales, ne maîtrisent plus toutes les fonctions de l'entreprise. Les grands groupes d'aujourd'hui ne sont plus les écoles d'hier", observe M. Gibert. Peu de groupes auraient encore "un terrain de jeu, c'est-à-dire une filiale, dont l'autonomie a été préservée, pour fabriquer des dirigeants". Et même quand un candidat interne existe, les conseils d'administration exigent souvent de le mettre en concurrence avec d'autres.
Enfin, le développement économique des pays émergents accroît les besoins en dirigeants, qu'ils ne trouvent pas dans leurs rangs. Ils essaient de faire revenir dans leur pays d'origine ceux qui étaient partis pour se former aux Etats-Unis ou en Europe. Mais ils sont loin d'être assez nombreux pour répondre à la demande. Les chasseurs de têtes s'emploient donc à chercher des volontaires pour les pays du Golfe, la Russie, ou la Chine, "où la demande explose", constate M. Gibert.
Tous les secteurs seraient demandeurs. L'industrie, mais aussi le luxe, la distribution, la grande consommation. "La technologie se développe moins vite. On est dans le mortar, le traditionnel ; pas dans le clic", observe Didier Vuchot, président de Korn Ferry, pour l'Europe.
Si la demande est faible pour les très petites entreprises, les start-up, elle demeure en revanche soutenue pour les entreprises moyennes, dans lesquelles les fonds ont investi par le biais d'opérations de leverage buy out (LBO) et qu'ils veulent consolider.
"L'incertitude, la morosité, l'inquiétude n'empêchent pas les grands groupes de prendre des décisions stratégiques. On n'est pas dans une période du type "wait and see", comme ce fut le cas entre 2001 et 2004", observe M. Petibon.
Pour répondre à cette forte demande, tous les cabinets ont affiné leurs outils, développé des bases de données mondiales. Ce qui n'empêche pas les délais de recrutement d'atteindre six à huit mois en moyenne (préavis du candidat retenu compris).

Annie Kahn
Article paru dans l'édition du 04.05.08.
Quatre grandes Cabinet de Recrutement
KORN FERRY. Créé par Lester Korn et Richard Ferry en 1969. Siège à Los Angeles (Californie). 80 bureaux dans 39 pays. Chiffre d'affaires 2007 : 653,4 millions de dollars (430 millions d'euros), dont la moitié pour des recrutements de cadres dirigeants. Coté à New York.

EGON ZEHNDER. Créé par Egon Zehnder en 1964. Siège à Zurich. 62 bureaux dans 37 pays. Chiffre d'affaires 2007 : 400 millions d'euros. Non coté.

HEIDRICK & STRUGGLES. Créé en 1953 par Gardner Heidrick et John Struggles. Siège à Chicago. 66 bureaux dans 29 pays. Chiffre d'affaires 2007 : 619,7 millions de dollars (409 millions d'euros). Coté au Nasdaq.

RUSSEL REYNOLDS. Créé en 1969. Siège à New York. 39 bureaux dans une vingtaine de pays. Chiffre d'affaires 2007 : 500 millions de dollars (330 millions d'euros) environ. Non coté.

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