vendredi 7 novembre 2008

Après l'euphorie

Edito du Monde

LE MONDE
06.11.08 12h48 • Mis à jour le 06.11.08 12h48
L'élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis a provoqué dans le monde entier, ou presque, une inflation de superlatifs : l'événement du siècle, pour les uns, l'espoir d'un nouveau commencement, pour d'autres, ou encore l'avènement d'un candidat de type nouveau, du vrai premier président du XXIe siècle ! Il y a du vrai dans toutes ces hyperboles. Dans l'arrivée du premier Noir à la Maison Blanche, le symbole est essentiel pour changer une image de l'Amérique ternie par huit ans de présidence Bush. Mais cette euphorie porte en elle-même le risque de la déception. Barack Obama en est conscient, qui a insisté dans son discours de Chicago sur les difficultés qui attendent tous les Américains et sur le long chemin à parcourir avant de vaincre trois grands défis : deux guerres, au Moyen-Orient et en Asie, et les conséquences économico-sociales de la crise financière.
C'est vrai pour la politique intérieure américaine. Les minorités et les Noirs vont se sentir mieux représentés, mais M. Obama devra se garder d'apparaître comme le président de la communauté de couleur, de même qu'il a pris grand soin pendant la campagne de ne pas être le candidat des Noirs. En refusant de mettre en avant, par exemple, la discrimination positive, il devra faire attention à ne pas apparaître comme un "traître" à sa communauté.
En politique étrangère, la situation n'est pas très différente. L'unilatéralisme qui a servi de doctrine diplomatique à George W. Bush cédera la place à une attention plus grande portée aux avis des partenaires. Mais, en dernière analyse, ce sont les intérêts strictement américains qui dicteront la conduite du président Obama. Ceux qui, aujourd'hui, entonnent sans discernement ses louanges pourraient être les premiers à déchanter. En Afghanistan, le nouveau président réclamera plus de troupes à ses alliés. Il soutiendra le rapprochement de l'Ukraine et de la Géorgie avec l'OTAN, quitte à irriter les Russes et à mettre dans l'embarras les Européens. On pourrait aussi ajouter les tentations protectionnistes renforcées par la crise économique.
Le temps n'est pas encore venu de brûler ce qu'on vient d'adorer. Les dernières années ont été si difficiles que la situation ne peut que s'améliorer. Mais des attentes excessives conduiraient inévitablement à de regrettables déconvenues. L'heure est à l'optimisme raisonné.

Article paru dans l'édition du 07.11.08.

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