dimanche 9 novembre 2008

Barack Obama, la nouvelle icône des politiques

Chronique
par Michel Noblecourt

LE MONDE 07.11.08 13h55
A droite comme à gauche, les politiques se sont livrés à un concours de superlatifs pour saluer l'élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis. A l'aube du 5 novembre, Nicolas Sarkozy, après avoir cherché en vain à téléphoner au président élu, l'a félicité par écrit pour sa "victoire brillante". Et le Parti socialiste a jeté la rancune à la rivière. Le 25 juillet, quand le sénateur de l'Illinois avait fait un saut de puce à Paris, il n'avait vu que M. Sarkozy, qu'il a comparé à une "rock-star". Après avoir boudé le PS, il s'était empressé de recevoir à Londres - suprême vexation -,David Cameron, le chef de l'opposition conservatrice, proche des républicains américains.
Tout à la préparation de leur congrès, les ténors du PS y sont allés de leur couplet. François Hollande s'est félicité de "l'élection si symbolique de Barack Obama", tout en prévenant qu'"il défendra - et c'est son devoir - les Etats-Unis d'Amérique et non pas le monde". Martine Aubry a jugé que "le grand peuple américain a réalisé le formidable rêve de Martin Luther King en portant un homme noir" à la Maison Blanche. "Une merveilleuse nouvelle", a renchéri Benoît Hamon, au nom de l'aile gauche du PS, voyant en M. Obama "l'anti-Sarkozy". Même la communiste Marie-George Buffet y est allée de son compliment.
Pour saluer cette "victoire symbolique majeure contre le racisme" sans paraître se compromettre avec l'horrible Oncle Sam, Olivier Besancenot, l'initiateur du Nouveau Parti anticapitaliste, a eu recours à une dialectique aussi extravagante que rocambolesque : "Nous souhaitons que la liesse populaire ouvre la voie à la résistance face à la politique que va mettre en oeuvre Obama" (sic).
A l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen a parlé d'une "victoire conjoncturelle" - "c'est la présidence de Bush qui est condamnée" -, éloignant tout soupçon de racisme par cette étonnante formule : "Ça me choque d'autant moins que la première fois que j'ai été élu député, en 1956, mon deuxième de liste était un Noir" (sic). Seule (petite) fausse note à droite, Hervé Mariton, député UMP de la Drôme, a affiché sur Canal+ sa préférence pour le républicain John McCain.
En rangs serrés derrière François Fillon, les ministres ont chanté les louanges de la nouvelle icône. Même la très catholique Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, est restée dans le choeur. La présidente du Forum des républicains sociaux, opposée, comme la colistière de M. McCain, à l'avortement et au mariage gay, aurait pu "voter" Sarah Palin au nom de leur commun attachement au "dividende universel", ce revenu unique versé à tous les citoyens "du berceau à la tombe" sans conditions de ressources, pratiqué par l'Alaska depuis 1976. Mais Mme Palin défend la vente libre des armes. Vive Obama !
Cette empathie unanime pour M. Obama rappelle l'hostilité unanime contre George W. Bush. Le 12 septembre 2006, M. Sarkozy avait rompu ce consensus en faisant des pieds et des mains pour être reçu, photo à l'appui, par M. Bush. Dans un pamphlet intitulé L'Inquiétante Rupture tranquille de M. Sarkozy et coordonné par Eric Besson, le PS avait fustigé l'"extravagant voyage du ministre de l'intérieur" - qui avait vu, pour la première fois, son "copain" Obama -, "le spectacle d'un candidat à la présidentielle supposé issu de la famille gaulliste quémandant un rendez-vous dans un bureau attenant à celui du président des Etats-Unis" pour y critiquer l'"arrogance de son pays". Depuis M. Besson est secrétaire d'Etat. M. Sarkozy a resserré les liens avec M. Bush, bénéficiant sur la scène internationale de son agonie politique. Le voilà confronté à une icône qui risque de faire de l'ombre à son aura médiatique.
Courriel : noblecourt@lemonde.fr.

Michel Noblecourt

Article paru dans l'édition du 08.11.08.

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